Abraham sort

Abraham sort [car appelé hors de - sachant qu'Église signifie "appelé hors de"], par commandement divin, de sa terre et de sa parenté. Cette "sortie" est glorieuse, pour un homme qui est prophète et qui se hâte vers la connaissance de Dieu. Car autrement, je ne crois pas qu'un changement de lieu permette de saisir ces choses que l'on trouve par l'intelligence. Mais Abraham est sorti de lui-même et de sa terre, c'est-à-dire de sa pensée terrestre et basse, pour élever son intelligence au-dessus des limites de la nature, et laisser derrière lui, autant que possible, la parenté de son âme avec ses sens. Il ne veut pas qu'aucun objet sensible l'aveugle ou l'enténèbre, l’empêchant d'accéder à la connaissance de ces réalités qui échappent aux yeux des sens, ni que les bruits qui résonnent autour de lui, ou la vision des apparences, séduisent son intelligence. S'avançant, comme le dit l'Apôtre, par la foi et non par l'apparence, il s'éleva, dans la grandeur et l'excellence de sa connaissance, au point d'être tenu pour le sommet de la perfection humaine - il parvint à la plus haute connaissance de Dieu qui soit permise à l'homme limité et mortel. C'est pourquoi le Seigneur de toute créature se nomme lui-même "le Dieu d'"Abraham", comme s'il était une trouvaille du Patriarche.

Mais que dit encore l'Écriture ? Qu'il sortit, ne sachant où il irait - et il ne lui fut même pas permis d'apprendre le Nom de Celui qu'il aimait: Or il ne conçut ni rancoeur, ni honte de cette ignorance. Pour ce qu'il cherchait, c'était précisément une conduite certaine et sûre, que d'être mené comme par la main à la science de Dieu, sans passer par aucun de ces objets qui tombent les premiers sous la connaissance, et sans que nul de ces objets saisissables n'émût son intelligence, arrêtant sa marche vers ce qui surpasse tous les objets connus. Mais de même qu'il avait dépassé la sagesse de ses pères, je veux dire la philosophie chaldéenne qui s'arrête aux choses visibles, et qu'il s'élevait au-dessus du sensible par la beauté des choses que l'on perçoit dans la contemplation, et qu'ayant fait l'expérience de l'harmonie des merveilles célestes, il désirait voir la beauté qui n'est ni produite ni exprimée par des formes - ainsi, toutes les autres choses qu'il saisissait par la raison, comme la puissance, la bonté, et ce qui est sans origine ni principe, et ce qui ne peut se définir par aucun terme, et encore tout ce que l'on peut trouver qui soit concevable et perceptible pour l'esprit sur la nature divine, il en fit autant de viatiques pour monter vers la perfection suprême, le jeta devant lui comme un support et un tremplin, et appuyant chaque pas sur ce qu'il avait déjà trouvé, toujours tendu en avant, disposant dans son coeur les belles ascensions dont parle le Prophète, dépassant tout ce que saisissaient ses facultés comme n'étant pas ce qu'il cherchait, après qu’il eût parcouru toute conjecture que les mots puissent engendrer sur les opinions que l'on a de Dieu, ayant la raison désormais purifiée de toutes ces approches, et atteignant enfin la foi sans mélange, pure de toute notion, il donna ce signal infaillible et évident de la connaissance de Dieu, plus glorieux et plus élevé que n'importe quel signe donné pour la connaissance: À savoir, il crut que DIEU EST.

Et c'est pourquoi, après cette commotion de l'esprit produite par cette contemplation très haute, étant revenu à l'infirmité humaine il dit: "Et moi, je suis cendre et poussière!" En d'autres termes: Muet, inerte, incapable d'expliquer le bien que son esprit avait entrevu. Terre et cendre me paraissent en effet signifier que l'âme reste étrangère et stérile. Ainsi devient "loi de la foi" cette histoire, enseignant que le seul moyen d'approcher de Dieu c'est que la foi intervienne, et soit le lien qui unit entre elles l'intelligence en quête de Dieu et la nature divine insaisissable. Car, écartant de la connaissance tout ce qui serait curiosité, l'Écriture dit: Abraham crut Dieu, et cela lui fut compté comme justice. L'Écriture affirme donc - non pas à l'adresse d'Abraham, mais à notre adresse, dit l'Apôtre - que Dieu compte aux hommes comme justice la foi, et non la connaissance. Car la connaissance comporte une disposition un peu mercantile, l'intelligence ne donnant son accord qu'à ce qu'elle connaît. Il en va autrement de la foi: Elle est le fondement, ou la substance, non pas de ce qu'on connaît mais de ce qu'on espère. Or, ce que l'on tient solidement, on ne l'espère pas... Mais ce qui échappe à notre connaissance, la foi le fait nôtre, en garantissant par sa propre solidité ce qui ne se voit pas. Et l'Apôtre dit bien d'Abraham, l'homme de foi, qu'"il porta l'invisible comme s'il le voyait".

Grégoire de Nysse (Bible Chrétienne, Pentateuque)


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